Mélancholia
C'est le printemps, heure de la fraie, pauvre pêcheur impénitent,
Que captureras-tu dans tes rets d'argent, petite bête de sexe frétillant?
Petit poisson, aux écailles multicolores, sourire enjôleur, joli petit coeur?
Méfions-nous des sirènes vibrantes, à la queue de comète scintillante,
Métamorphose du vilain brochet aux petites dents bien acérées!
Te feras-tu toujours prendre un peu, beaucoup, passionnément,
A l'heure de la consommation de ton protéinique repas?
Pêcheur qui déteste se nourrir de la chair comme l'animal, de l'Autre,
Tout en y étant poussé, par le besoin de la faim du Manque,
De la PEUR d'Aimer et d'être dévoré tout cru,
La feras-tu Elle, disparaître, comme tant d'autres?
En premier lieu, appliquons-nous à faire mourir, son inconvenant sourire,
Ensuite, la faire quitter son bocal familier : l'isoler de ses sacrosaintes habitudes,
En rire avec elle, puis transformer indisciblement, le rire en cynique grimace,
Pour la priver de sa nourriture favorite : lui faire renier l'Amour, l'Amitié,
Les Autres, la belle affaire : nul Autre n'a d'existence pour le pêcheur!
Lui faire renoncer, par choix conscient, à tout ou partie d'Elle-même,
Pour une rebelle, au nom de l'ultime valeur de la Liberté d'Aimer l'Autre,
Le pêcheur se transformera la nuit, en vampire d'épouvante,
Suçant peu à peu consciencieusement le sang de sa victime,
Tout en lui laissant juste assez dans les veines, de quoi survivre...
Lui permettant dans sa Grandeur, entre deux sanglots, de lui dire :
Grand Merci, Pêcheur noir du royaume de l'eau glauque et obscure.
Merci de nous montrer la noirceur de l'Ame humaine,
Quand échouée brutalement, à genou, à terre, égarée dans le puits, malade,
Elle se mire inlassablement dans une flaque d'eau croupissante.
Tombée Amoureuse folle d'Elle-même.
Pour aller plus loin : "Le portrait de Dorian Gray" Oscar Wilde
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