samedi 13 octobre 2007

Fil conducteur : la tentation





Verlaine, Paul 1844-1896:
O triste, triste était mon âme. A cause, à cause d'une femme.


«Lucie Ferland te ment, te tente
Lucifer, lentement, t'attend»

Lucie Ferland te ment, te tente
Lucifer, lentement, t'attend

Fie-toi pas à son sourire
Ou tu vas cesser de vivre
C'est vers la mort qu'elle t'attire
Attention, ton coeur chavire
Tu succombes sous son empire

Lucie Ferland te ment, te tente
Lucifer, lentement, t'attend

Dans ses paroles du mensonge
Pour cacher la vérité
C'est un cancer qui te ronge
Difficile à discerner
Mais tu dois le débusquer

Lucie Ferland te ment, te tente
Lucifer, lentement, t'attend

Son tableau de chasse est plein
De naïfs qu'elle a séduit
Sur sa liste, t'es le prochain
A tomber à son service
C'est le temps que tu t'enfuisses

vendredi 12 octobre 2007

Fil conducteur : l'Eternité

Mon rêve familier
- Paul Verlaine


Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore,
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.

jeudi 11 octobre 2007

Fil conducteur : la Pureté


Comment dire mieux qu’André Chénier

La jeune Tarentine
Pleurez, doux alcyons ! ô vous, oiseaux sacrés,
Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons, pleurez !
Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine !
Un vaisseau la portait aux bords de Camarine :
Là, l’hymen, les chansons, les flûtes, lentement,
Devaient la reconduire au seuil de son amant.
Une clef vigilante a, pour cette journée,
Sous le cèdre enfermé sa robe d’hyménée
Et l’or dont au festin ses bras seront parés
Et pour ses blonds cheveux les parfums préparés.
Mais, seule sur la proue, invoquant les étoiles,
Le vent impétueux qui soufflait dans les voiles
L’enveloppe : étonnée, et loin des matelots,
Elle crie, elle tombe, elle est au sein des flots.

Elle est au sein des flots, la jeune Tarentine !
Son beau corps a roulé sous la vague marine.
Thétis, les yeux en pleurs, dans le creux d’un rocher
Aux monstres dévorants eut soin de le cacher.
Par ses ordres bientôt les belles Néréides
S’élèvent au-dessus des demeures humides,
Le poussent au rivage, et dans ce monument
L’ont, au cap du Zéphyr, déposé mollement ;
Et de loin, à grands cris appelant leurs compagnes,
Et les Nymphes des bois, des sources, des montagnes,
Toutes, frappant leur sein et traînant un long deuil,
Répétèrent, hélas ! autour de son cercueil :
” Hélas ! chez ton amant tu n’es point ramenée,
Tu n’as point revêtu ta robe d’hyménée,
L’or autour de tes bras n’a point serré de noeuds,
Et le bandeau d’hymen n’orna point tes cheveux. ”

mercredi 10 octobre 2007

Fil conducteur : l'univers...et la création de l'âme


Léon-Pamphile LE MAY (1837-1918)

L'univers est un poème ...

Mystérieux moment où l'on commence à vivre...
La matière s'anime à ton souffle, mon Dieu.
L'âme qu'elle a reçue est un rayon de feu
Qui remonte vers toi, prisonnier qu'on délivre.

Et la vie est partout. Comme on lit dans un livre,
Dans le monde insondable on voudrait lire un peu,
Pour voir si le travail alterne avec le jeu,
Et si les coeurs parfois mêlent la flamme au givre.

La Terre pleure et rit. L'homme ainsi l'a voulu.
Dès le premier dîner il se montre goulu
Et verse le vin pur sur la pomme indigeste.

Le poète, à l'aspect de la voûte céleste,
Se dit, rêvant de vers et tombant à genoux
Le monde est un poème et Dieu l'a fait pour nous.

mardi 9 octobre 2007

lundi 8 octobre 2007

Le fil conducteur : Aile



Exode vers la lumière


Vision
d'Alfred De Musset


Je vis d'abord sur moi des fantômes étranges
Traîner de longs habits;
Je ne sais si c'étaient des femmes ou des anges !
Leurs manteaux m'inondaient avec leurs belles franges
De nacre et de rubis.

Comme on brise une armure au tranchant d'une lame,
Comme un hardi marin
Brise le golfe bleu qui se fend sous sa rame,
Ainsi leurs robes d'or, en grands sillons de flamme,
Brisaient la nuit d'airain !

Ils volaient ! - Mon rideau, vieux spectre en sentinelle,
Les regardait passer.
Dans leurs yeux de velours éclatait leur prunelle ;
J'entendais chuchoter les plumes de leur aile,
Qui venaient me froisser.

Ils volaient ! - Mais la troupe, aux lambris suspendue,
Esprits capricieux,
Bondissait tout à coup, puis, tout à coup perdue,
S'enfuyait dans la nuit, comme une flèche ardue
Qui s'enfuit dans les cieux !

Ils volaient ! - Je voyais leur noire chevelure,
Où l'ébène en ruisseaux
Pleurait, me caresser de sa longue frôlure ;
Pendant que d'un baiser je sentais la brûlure
Jusqu'au fond de mes os.

Dieu tout-puissant ! j'ai vu les sylphides craintives
Qui meurent au soleil !
J'ai vu les beaux pieds nus des nymphes fugitives !
J'ai vu les seins ardents des dryades rétives,
Aux cuisses de vermeil !

Rien, non, rien ne valait ce baiser d'ambroisie,
Plus frais que le matin !
Plus pur que le regard d'un oeil d'Andalousie !
Plus doux que le parler d'une femme d'Asie,
Aux lèvres de satin !

Oh ! qui que vous soyez, sur ma tête abaissées,
Ombres aux corps flottants !
Laissez, oh ! laissez-moi vous tenir enlacées,
Boire dans vos baisers des amours insensées,
Goutte à goutte et longtemps !

Oh ! venez ! nous mettrons dans l'alcôve soyeuse
Une lampe d'argent.
Venez ! la nuit est triste et la lampe joyeuse !
Blonde ou noire, venez ; nonchalante ou rieuse,
Coeur naïf ou changeant !

Venez ! nous verserons des roses dans ma couche ;
Car les parfums sont doux !
Et la sultane, au soir, se parfume la bouche ;
Lorsqu'elle va quitter sa robe et sa babouche
Pour son lit de bambous !

Hélas ! de belles nuits le ciel nous est avare
Autant que de beaux jours !
Entendez-vous gémir la harpe de Ferrare,
Et sous des doigts divins palpiter la guitare ?
Venez, ô mes amours !

Mais rien ne reste plus que l'ombre froide et nue,
Où craquent les cloisons.
J'entends des chants hurler, comme un enfant qu'on tue ;
Et la lune en croissant découpe, dans la rue,
Les angles des maisons.

dimanche 7 octobre 2007

Fil conducteur : l'Amour toujours vivant

Cet Amour -
Jacques Prévert

Cet amour
Si violent
Si fragile
Si tendre
Si désespéré
Cet amour
Beau comme le jour
Et mauvais comme le temps
Quand le temps est mauvais
Cet amour si vrai
Cet amour si beau
Si heureux
Si joyeux
Et si dérisoire
Tremblant de peur comme un enfant dans le noir
Et si sûr de lui
Comme un homme tranquille au milieu de la nuit
Cet amour qui faisait peur aux autres
Qui les faisait parler
Qui les faisait blémir
Cet amour guetté
Parce que nous le guettions
Traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Parce que nous l'avons traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Cet amour tout entier
Si vivant encore
Et tout ensoleillé
C'est le tien
C'est le mien
Celui qui a été
Cette chose toujours nouvelles
Et qui n'a pas changé
Aussi vraie qu'une plante
Aussi tremblante qu'un oiseau
Aussi chaude aussi vivante que l'été
Nous pouvons tous les deux
Aller et revenir
Nous pouvons oublier
Et puis nous rendormir
Nous réveiller souffrir vieillir
Nous endormir encore
Rêver à la mort
Nous éveiller sourire et rire
Et rajeunir
Notre amour reste là
Têtu comme une bourrique
Vivant comme le désir
Cruel comme la mémoire
Bête comme les regrets
Tendre comme le souvenir
Froid comme le marbre
Beau comme le jour
Fragile comme un enfant
Il nous regarde en souriant
Et il nous parle sans rien dire
Et moi j'écoute en tremblant
Et je crie
Je crie pour toi
Je crie pour moi
Je te supplie
Pour toi pour moi et pour tous ceux qui s'aiment
Et qui se sont aimés
Oui je lui crie
Pour toi pour moi et pour tous les autres
Que je ne connais pas
Reste là
Là où tu es
Là où tu étais autrefois
Reste là
Ne bouge pas
Ne t'en va pas
Nous qui sommes aimés
Nous t'avons oublié
Toi ne nous oublie pas
Nous n'avions que toi sur la terre
Ne nous laisse pas devenir froids
Beaucoup plus loin toujours
Et n'importe où
Donne-nous signe de vie
Beaucoup plus tard au coin d'un bois
Dans la forêt de la mémoire
Surgis soudain
Tends-nous la main
Et sauve-nous.